Petit comparatif entre deux polyéthylènes haut de gamme,
le Point 65 Crunch Rocket, et Prijon Barracuda.

 

Deux bateaux qui ont pour ambition de concurrencer les bateaux de randonnée rapide en résine qu’on ne présente plus, chez Plasmor, Kitiwec ou Catchiky, et chez Polyform, l’Arktika ou le Skiros.


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J’ai pu avoir ces deux bateaux en prêt en même temps pour tout un week-end, grâce à l’extrême gentillesse de Yann Kerambrun, maître des lieux du magasin Atlanka, (Si vous ne connaissez pas encore, ruez-vous dans cette succursale de Kerk disribution, spécialiste Prijon, Eskimo, point 65, etc, c’est à la sortie des Sorinières, le plan d’accès est sur le site du nack)

J’ai bénéficié de conditions suffisamment dures pour faire un vrai essai. Voici mes conclusions, qui n’engagent que moi, bien-sûr.

Premier réflexe de tout kayakiste normalement constitué, je retourne les deux engins :

Pas de surprise côté Crunch, c’est un Arktika Ultima en polyéthylène, un peu plus court, mais avec la même allure superbe, une coque à bouchains vif, fond en V, un peu plus prononcé que l’Arktika me semble-t-il… ça promet ! 55 cm de large, 5m de long, les bonnes côtes pour ne pas s’ennuyer. Le plastique est un polyéthylène 3 couches, du même genre que celui des canoés old town, ou de feu les kayaks " Euro-kayak ".

Le principe est simple ; une couche de polyéthylène dur, une couche de mousse et une autre couche de polyéthylène dur. Au bilan, un bateau aussi rigide que la résine, aussi léger, et qui flotte conformément à la norme sans ajout de mousse. J’ai eu un Idaho (bateau de rivière) dans ce matériau, il a maintenant 15 ans et a enchaîné une carrière club après avoir souffert dix ans entre mes mains : Il n’a pas bougé. La seule question étant : pourquoi tous les kayaks ne sont ils pas faits comme ça ?

Mais revenons au Crunch qui affiche 25 kg tout équipé, c’est déjà beaucoup, mais pas plus que les résines, et remettons le à l’endroit. La ligne reste proche de l’Arktika, (Lequel a copié sur l’autre ?), l’arrière est très bas sur l’eau, le pont remonte très haut pour laisser plein de place aux genoux, mais sans gêner la passée de la pagaie. Là, où les choses se gâtent sévèrement, c’est pour les moins d’1,65 mètre qui ne pourront tout simplement pas se caler dedans ! Séance de bricolage à prévoir avec déplacement du cale-pieds et collage de mousse… vexant quand on vient de s’offrir un bateau neuf ! De plus l’accastillage est limite, pas de cale-cuisses, le réglage du gouvernail se fera avec votre noeud favori dans une ficelle kevlar, inutile d’espèrer rester dans le bateau pour le faire. Enfin si vous rapprochez les cale-pieds à fond, vos orteil viendront se coincer sur les fixations des cadènes de pont. Résolument Suèdois ! Point 65 va devoir étudier l’anatomie des autres populations européennes pour nous vendre des bateaux ! En revanche, si vous mesurez 1m75 et que vous appréciez la simplicité et la légèreté, vous constaterez qu’une fois les réglages au point, on est très bien dedans. Pour les gadgets, pas grand chose d’origine, mais plein de taquets partout pour personnaliser votre pont, ça c’est très bien.

Le Barracuda m’a laissé beaucoup plus perplexe au premier coup d’œil.

Une ligne générale très curieuse : très étroit de l’avant il s’élargit derrière l’hiloire, un peu à la façon d’un kayak de descente. D’aspect, on dirait presque une coque à clins de bateau en lattes de bois ! Afin de gagner en vitesse Prijon a remplacé le fond plat de ses autres modèles par un léger V, d’où une coque à 7 pans. On n’ose plus parler de bouchains vifs ! Le coffre avant s’en trouve donc réduit, en revanche le coffre arrière reste immense car le Barracuda est très haut sur l’eau, comme tous les Prijons.

Question cotes, il est un peu plus long (520 cm) que le Crunch, pour les mêmes 55 cm de large. On ne présente plus l’équipement Prijon, confort bourgeois et solidité, réglages faciles. Ca se paie logiquement sur le poids, 27 kg bien sonnés.

On ne présente pas non plus le plastique Prijon, rigide, indestructible, avec le plan de joint vertical sur le pont, l’accastillage sans défaut, les coffres vraiment étanches (très rare !), etc…Tout ça me permet de lui pardonner son évident manque d’allure par rapport au crunch . A première vue, on se demande même s’il y a une différence avec son grand frère le kodiak, aux côtes identiques à 4cm près sur la largeur.

Vous allez me dire que c’est sur l’eau qu’on voit ça, et ne reculant devant aucun sacrifice, j’ai donc embarqué ! Le projet initial était de partir à deux de Saint-Cast pour faire le tour du cap Fréhel et retour après avoir échangé les bateaux, mais les conditions de mer nous ont très vite dissuadés, la pointe de Saint-Cast a largement suffi pour un bon test. A signaler que le Prijon était dépourvu de gouvernail, ce qui a faussé un peu la comparaison.

La ballade a donc consisté en une sortie du port de Saint Cast le Guildo par vent de travers, suivie d’un bac dans le vent face à un clapot nerveux pour traverser la baie de la Frenaye, jusqu’à la plage du Port Saint Géran et retour vent de travers puis ¾ arrière. Très court donc, mais très physique !

Au bilan :

Vent de travers : aucun des deux bateaux ne se laisse impressionner, le Crunch est bas sur l’eau et le Prijon est très équilibré avec son trou d’homme très avancé.

Au près, nous étions au près du vent, mais aussi au près du clapot , le Crunch est imperturbable en direction , mais sa coque en V lui donne une instabilité passagère à chaque bascule sur le sommet de la vague. Quelques coups de gîte à accepter dans ces conditions, le bain n’est pas exclu pour un kayakiste peu aguerri, car poser le côté aval du V dans la pente de la vague commence à faire un bon angle avec la vertical. Si l’on est attentif à bien jouer la bascule d’un bouchain sur l’autre au sommet des vagues, ça devient un régal.

Côté Barracuda la situation était moins bonne. Eu égard à sa forte prise au vent et en absence de gouvernail, il se met à abattre et tente de retourner seul à son allure favorite : le travers. Cela dit, il ne fait aucun doute qu’un gouvernail aurait réglé le problème, mais il faudra bien noter que ce bateau ne peut pas s’en passer. Ma co-équipière Céline, avec ses 60 kg, a eu bien du mal a le tenir en ligne jusqu’au bout !

Au portant, vagues de ¾ arrière, nous avions échangé les bateaux et le Crunch révèle ses aptitudes au surf, son faible poids le fait démarrer au quart de tour, Céline s’est régalée après la punition du trajet aller ! Mais c’était prévisible et la surprise est venu du Barracuda. Toujours amateur de travers, il lofe maintenant; mais placé bien dans l’axe pour prendre la vague par l’arrière, sa forte largeur derrière le siège en fait un bateau un peu lourd à faire démarrer mais qui surfe excellemment. Grâce à son avant très étroit, l’étrave pénètre profondément dans le fond de la vague et on se retrouve dans un équilibre très agréable, calé vague arrière, la trappe avant dans l’eau, en train de filer sans pagayer. ( Et à signaler après ça : pas une goutte d’eau dans le caisson avant !). Si l’on ajoute à ça qu’en situation " neutre " ce bateau se révèle plus rapide que le Crunch (pas étonnant : 20 cm de plus hors tout, mais beaucoup plus de différence à la ligne de flottaison, et des bouchains moins vifs).

Conclusion :

La stabilité initiale n’est le point fort d’aucun des deux, le Barracuda roule et le Crunch bascule d’un bouchain sur l’autre, mais rien de grave dans la mesure où ce ne sont pas des bateaux d’initiation. Pour aller faire de la pêche, des observations d’oiseaux à la jumelle où des photos, on choisira donc un bateau moins typé.

Le volume des coffres et le poids désigneraient le Crunch comme alternative polyéthylène au Kitiwec et à l’Arktika. Le Barracuda remplissant plutôt le programme du Katchiky ou du Skyros, bien qu’il s’avère le plus rapide des deux. Là où le Barracuda fait la différence, c’est sur le prix. Pour 1350 euros avec le gouvernail, vous avez un bateau très bien fini, extraordinairement polyvalant, alors qu’il vous faudra en débourser 1650 pour le Crunch. Cher pour un coup de cœur, mais quand même plusieurs centaines d’euros de moins que les références résine !